jeudi 24 novembre 2016

Le transfert en psychanalyse

Les origines du mot « transfert » sont assez éclairantes quant à sa compréhension. C'est pour cette raison que l'historique suivant est proposé.


Historique :


Première fois en 1724 (Dictionnaire étymologique de la langue française, Bloch Wartburg).

Le mot « transfert » aurait emprunté du latin. « Transferer » : translation impliquant le mouvement → dynamique.

=> Cela fait écho à la façon de concevoir le transfert en psychanalyse. Il est un mouvement évoluant entre deux pôles : le pôle infantile et le pôle actuel. Il y a là un mouvement progrédient et un mouvement régrédien. Nous retrouvons l'idée d'une ocillation entre le présent et le passé.

A la fois, le transfert est dynamique par son ambivalence. Il est à la fois : 
  • Positif et négatif 
  • Résistance et source de levée du refoulement 
  • Régression et progression 

Il est un domaine où se vit d'une façon toute particulière le rôle du temps dans l'existence du sujet humain.
De même que le phénomène du transfert déborde le cadre de la psychanalyse, de même les origines du concept peuvent être décelées bien avant la date de son invention (1895).



En voici quelques traces :

→ Chez Mesmer. 1778 Les baquets : une force obscure d'origine animale est susceptible d'exercer une influence directe à partir d'un homme sur d'autres hommes.

→ Chez l'Abbé Faria. 1837 Il met en avant la subjectivité des phénomènes magnétiques (cause du somnambulisme dans le sujet lui même). Par ailleurs, il introduit le langage comme médiateur (endormait par la parole).

→ Chez Liebault : 1866 Il met en exergue la notion d'idée fixe : « son esprit s'en tient à l'idée qu'on lui suggère finalement ». Il y a là une opposition avec le principe de l'association libre. Il est remarquable que Freud dans les débuts cherchera lui aussi à fixer les idées et les représentations par l'imposition des mains. C'est l'échec de cette fixation qui le conduira sur la voie des associations libres.

→ Chez Chastenet de Puységur :1874 Il met en avant le concept de « consultation réciproque ». Il s'agit de la mise en présence de deux personnes pour qui la perception des organes intérieurs de l'autre n'a plus de secret.

→ Chez Freud :

Historiquement, la notion de transfert prend toute sa signification avec l'abandon par la psychanalyse de l'hypnose, de la suggestion et de la catharsis.

Le transfert apparaît en 1895 dans l'expérience de traitement d'une patiente par ce qu'elle appelait elle même la « talking cure ». Vous l'aurez reconnu, il s'agit d'Anna O traité par Breuer. Nous en retrouvons le récit dans les Etudes sur l'hystérie : « Après que le travail cathartique eut semblé terminé s'était tout à coup produit chez la jeune fille un état « d'amour de transfert » qu'il n'avait plus alors rapporté à sa maladie, ce qui fait que tout interdit il avait pris la fuite ».



Ma vie et la psychanalyse. 1925 C'est peu après que Freud fait lui même la première expérience du transfert qui est une des raisons de sa décision d'abandonner l'hypnose : « irrésistibilité personnelle et je pensais maintenant avoir saisi la nature de l'élément mystique agissant derrière l'hypnose. Afin de l'écarter ou du moins de l'isoler, je devais abandonner l'hypnose ».

Dés 1895, Freud donne les prémisses de ce qu'on appelle transfert et contre-transfert aujourd'hui : « l'ensemble des rapports personnels ». Côté patients, il parle de : “l’adhésion totale / confiance indispensable ».

Freud introduit alors les termes de « mésalliance », de « faux rapport ». Neyraut dans son œuvre met d'ailleurs en avant que le transfert est un quiproquo à contretemps. Son dépassement consiste à le renvoyer à qui de droit et à sa place.


Fragment d’une analyse d’hystérie 1905. C'est la première fois que Freud évoque le transfert si clairement.

Cette psychothérapie est un échec. Freud lui-même attribue cet échec à la méconnaissance du transfert, ou du moins à un traitement inadéquat du transfert. C'est seulement dans un moment réflexif après coup que les considérations théoriques le mettront en évidence. Ce fait à lui seul mérite réflexion.

→ Neyraut explique que l'essence même du transfert est que ses menées invisibles n'éclatent qu'en ses arrêts, ses achoppements, ses ancrages aveugles au réel.

Quelques citations de Freud pour illustrer le point précédent :

“le retard apporté à la guérison ou à l’amélioration n’est en réalité dû qu’à la personne du médecin”.

“avant que je reconnusse l’importance des tendances homosexuelles chez les névrosés, j’échouais souvent dans des traitements ou bien je tombais dans un désarroi complet”.

→ Lacan « la seule résistance est la résistance de l'analyste » c'est-à-dire son contre transfert. Ce sont les « préjugés » dont parle Freud. Il est clair que ces arrêts du transfert ne sont point le seul fait de Dora, mais aussi bien celui de Freud.


L'homme aux rats. 1909 « Comment pouvez vous supporter, Monsieur le Professeur, disait-il, de vous laisser injurier par le sale type que je suis ? »

La dynamique du transfert 1912. C'est le premier texte exclusivement réservé à la question.
Freud donne des conseils concernant l'attitude du médecin qui doit « demeurer impénétrable et, à la manière d'un miroir ne fait que refléter ce qu'on lui montre » (Conseils aux médecins).

Observations sur l'amour de transfert. 1915
Freud met en avant l'importance des affects dans l'expérience analytique.

Si transfert il y a c'est parce que le patient « transfère » malgré lui sur la personne du thérapeute, des représentations qui étaient déjà là, en lui, avant de connaître ce thérapeute. → Freud parle de « cliché », de « prédisposition naturelle » en lien avec l'enfance.

= Le psychothérapeute fonctionne donc comme un substitut, à la place d'un signifiant qui manque. Ce rapport actuel est donc prédéterminé par quelque chose d'autre que ce qui est en train de se jouer dans l'ici et le maintenant de la séance.



Parallèle avec le rêve : La représentation inconsciente ne peut, en tant que telle, pénétrer dans le préconscient que si elle s'allie à une représentation sans importance qui s'y trouvait déjà, à laquelle elle transfère son intensité et qui lui sert de couverture. Le masque est nécessaire pour que le désir inconscient puisse apparaître sous une forme déguisée. C'est là que réside tout le nœud du transfert.


Il n'y a pas d'intersubjectivité, pas de rapport direct du patient avec le psychanalyste, mais bien plutôt la mise en acte d'un mode de relation préalable à la relation psychothérapeutique elle même.

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