Dans ce séminaire, Lacan travaille la question de la structure psychotique, et l'explique principalement à travers les notions de langage, de signifiant et de signifié. Pour cela, il s'inspire du cas Schreber qui fut déjà travaillé par Sigmund Freud dans un premier temps.
Symbolique, réel et imaginaire :
L'imaginaire est repris par le symbolique, celui-ci étant une structure organisée. De quelle manière le symbolique reprend t'il l'imaginaire ? A la page 18, Lacan fait une différenciation en fonction des rapports que supposent ces différents registres :
- Symbolique => tout élément vaut comme opposé, rapport d'opposition (ex : le rouge dans un jeu de cartes est opposé au noir dans un système organisé).
- Imaginaire (ou réel) => rapport en plus ou moins, en seuils, en continuité (ex pour l'imaginaire : le rouge représente une image, elle peut par exemple être celle de la colère ou de l'hostilité mais le rouge peut aussi représenter l'érotisme ).
La réalité n'est pas la réalité extérieure (p.56).
Le monde du symbole, le symbolique, suppose toujours une règle, une loi. Cette loi chez le névrosé est la loi oedipienne. Le symbolique existe comme tel. On y est directement immergés (p.94). L'ordre symbolique ne dépend pas du sujet, elle se situe hors du sujet en le déterminant (p.111). L'apparition du signifiant est de la même manière primitive (p.170), avant l'apparition du sujet.
- → Le nom du père : Pour qu'il puisse y avoir une harmonie du deux, il faut un troisième terme. C'est le père dans le sens de l'ordre de la parole.
- → Même si le signifiant est déjà là, avant le sujet, il n'a aucune valeur si le sujet ne l'introduit pas dans son histoire. (p.177)
Le symbolique permet de saisir le système du monde. Grâce aux mots et au fait de nommer, l'homme connait des choses. (p.199) C'est ce qui nous permet de nous repérer et de nous situer.
Le signifié est du côté de l'imaginaire : c'est toujours une signification qui s'évanouit et qui dépend de notre subjectivité, de ce qui nous occupe.
Le signifiant est quant à lui à placer du côté du symbolique (p.65).
Verdichtung, Verdrangung, Verneinung, Verwerfung :
- ➢ Verdichtung : loi du malentendu. Ex : je peux être un femme masculine.
- ➢ Verdrangung : le refoulement. Le refoulement apparaît quand ça ne colle pas au niveau symbolique. Lorsque la loi symbolique est inacceptable, il y a refoulement (« comporte un sacrifice qui s'avère intolérable sur le plan des significations »p.97). Mais la chaîne symbolique continue à se faire savoir, c'est à dire que ce qui est refoulé est toujours là mais se cache derrière les symptômes, les actes manqués etc. Lacan dit que la loi symbolique suppose que l'on rende ce qu'on a reçu à un moment ou un autre, et que c'est parfois inacceptable d'où le refoulement (p.97).
- ➢ Verneinung : relève du discours. C'est le principe de réalité qui met en avant la valeur d'existence. La réalité comporte une condition primordiale : « le sujet est à la recherche de l'objet de son désir mais rien ne l'y conduit ». L'objet ne peut être retrouvé. C'est la chose (=das ding) ? C'est ce qui fait que la personne cherche toujours à satisfaire le premier lien maternel (répétition de modes de relations où cet objectif est toujours la quête primordiale). Le fait de ne jamais retrouver l'objet c'est le principe de réalité. Il n'y a que de la substitution. La verneinung permet de constituer la conscience (dans le sens où ça disparaît au moment où ça apparaît contrairement à la mémoire), et l'ego ? (p.175)
- ➢ Verwerfung : rejet d'un signifiant majeur qui va manquer. Exclusion de quelque chose à l'intérieur même du sujet qui ne relève pas du corps mais du corps signifiant (p.171). → Le principe de réalité passe par le jugement d'existence : « je peux dire que le mac sur lequel j'écris est un objet et pas une hallucination ». Le jugement d'attribution lui permet de distinguer ce qui est bon ou ce qui est mauvais. En rejetant un signifiant primordial, le paranoïaque le juge t'il mauvais ? (p.171).
Psychose et névrose :
L'inconscient se trouve en surface chez le psychotique (p.20). Le psychotique ne sait pas que c'est son inconscient qui parle. Ce n'est pas parce que l'inconscient est là, dans le réel, qu'il le comprend. Il est « non assumé » (p.20) par la personne psychotique. Ce qui est refusé dans l'ordre symbolique réapparait dans le réel dans la psychose (par exemple par le délire).
Lacan préfère appeler ce que l'on nomme habituellement le contenu du délire, le dire psychotique (p.41). Cela permet de mettre en exergue l'importance du langage et du signifiant dans les phénomènes psychotiques.
Le rapport de la signification à la signification permet de distinguer la névrose et la psychose (p.44).
Lacan met en garde ses auditeurs : il ne faut pas confondre la projection dans la psychose et dans la névrose. Dans la psychose, la projection c'est ce qui fait revenir au dehors ce qui n'a pas pu être symbolisé. (p.58) Par conséquent, il préfère abandonner le terme pour la psychose.
Précisions sur le symbolique et l'imaginaire dans la psychose :
Le père a une place centrale qui se diffuse en deux plans : un symbolique (nom du père) et un imaginaire. Si le père ne peut assumer le signifiant père au niveau du symbolique, il reste tout de même le plan imaginaire. La fonction paternelle se réduit alors à une image. Il n'y a que le rapport de dualité, d'aliénation, de capture imaginaire qui reste. L'exclusion réciproque de l'affrontement symbolique n'est pas possible. Qu'est-ce que cette exclusion réciproque ? Visiblement, sans elle, le rapport devient déshumanisé. Il ne permet pas de fonder son moi sur l'image de l'autre plus achevé. Le signifiant est anéanti. (p.230-231)
Rapports interpersonnels :
Partant du postulat de la relation a – a', Lacan conseille de partir de l'idée que toute communication suppose des malentendus. (p.29)
Le rapport a – a' suppose que l'autre est moi. C'est dans cette relation que Lacan situe la dialectique du délire (p.51).
« Je reviens de chez le charcutier » (p.60) => Par cet exemple, Lacan montre que le psychanalyste ne doit pas se leurrer de ce qu'il pense comprendre, typiquement par cette réflexion que l'on se fait parfois en écoutant quelqu'un « je vois ce que tu veux dire ». Dans le cadre psychanalytique, cela irait dans le sens de la relation imaginaire ce qui ne ferait que nourrir la résistance du patient.
Dans cet exemple, il était plus précieux de comprendre pourquoi cette dame ne le dit pas clairement mais par allusion.
Il peut y avoir un acting-out chez le patient lorsque le psychanalyste instaure cette relation a – a'. Ex : lorsque le clinicien aborde ce qui se produit au niveau de la réalité et pas au niveau du registre symbolique.
Le narcissisme et a – a' : Etre captivé par l'image de l'autre suppose une relation narcissique. Le moi lui-même à l'intérieur du sujet est un autre, c'est la dualité interne au sujet lui même. « Le moi est ce maître que le sujet trouve dans un autre, et qui s'instaure dans sa fonction de maîtrise au cœur de lui-même » (p.107).
Le stade du miroir et a – a' : L'image totale de l'autre vient réparer l'immaturité fonctionnelle à la naissance. C'est pour cela que l'homme ne sera jamais uni, complet, car sa supposé totalité se base sur une illusion première. C'est en cela qu'il est aliéné. Le a – a ' est la relation spéculaire du stade du miroir.
Position du psychanalyste et a – a' : Le psychanalyse doit se positionner quelque part en A et pas en a. L'imaginaire fait obstacle au passage de la parole. Le psychanalyste doit autant que faire se peut se dégager de cette relation. Il ne doit pas s'identifier au sujet ou agir par empathie. Il doit être suffisamment « mort » (p.182) pour laisser l'occasion au sujet de bien dire. L'image du sujet doit migrer vers S, la chose à découvrir. Lacan précise que le psychanalyste est humain et que cette dimension imaginaire ne peut être totalement neutralisée...
Principe de réalité et a – a ' : C'est le moi qui atteste de la réalité puisque c'est lui qui a fonction de leurre. Il n'est pas objectif. A contrario, il nourrit l'illusion et celle-ci est fondamentalement narcissique. C'est le bricolage que la personne trouve pour s'aimer et se supporter.
Ethologie et a – a ' : La relation imaginaire s'illustre par le rapport entre animaux (capture de l'image dans la parade par exemple).
L'entre-je : C'est le petit autre en ce qu'il est le double du sujet à la fois son moi et pas son moi. (p .219).
Le président Schreber :
Son délire est une défense contre son homosexualité (signification symbolique de la fonction féminine). Cette signification qui concerne Schreber est rejetée. Mais elle est ressurgit et c'est là que se situent le délire et « l'invasion psychotique » (p.99). Lacan semble penser que cette signification rejetée a toujours un lien avec la bisexualité primitive.
Schreber n'est pas un poète selon Lacan : « La poésie est création d'un sujet assumant un nouvel ordre de relation symbolique au monde » (p.91)
Schreber est envahi par l'imaginaire. Le rapport à l'autre comme miroir est majeur. L'autre est anéanti pour que Schreber trouve son identité. (p.112). Le psychotique ne peut se reconstituer que dans « l'allusion imaginaire » (p.183). Mais il ne s'agit pas que de l'imaginaire dans la psychose mais aussi du rejet du signifiant primordial qu'est le nom du père.
- « (...) le mécanisme imaginaire est ce qui donne sa forme à l'aliénation psychotique, mais non sa dynamique» (p.167). Schreber tente de compenser l'absence du signifiant fondamental.
- Pour comprendre cette fonction de l'imaginaire dans la psychose, Lacan étudie en parrallèle le cas Dora. Dora s'identifie à Monsieur K. Le signifiant « femme » pour Dora est énigmatique quant à sa signification. Elle cherche une tentative de réponse en s'identifiant à Monsieur K.
Schreber aime son délire comme il s'aime lui-même : il s'agit de la dimension narcissique dans la psychose mis en avant par Freud.
Langage, signifié et signifiant :
Le signifié n'est pas les objets ou les choses en tant que tels. C'est la signification, sachant que celle- ci renvoie toujours à une autre signification.
« (...) le sujet reçoit son message de l'autre sous une forme inversée » (p.47).
Le langage joue sur l'ambiguité. Les discours sont par conséquent le plus souvent « fictifs »(p.131). Cela rejoint l'idée du malentendu citée plus haut dans le rapport à l'autre.
Lacan distingue la parole pleine qui est une parole qui avoue et qui est engagée de la parole vide. 6
Il distingue alors deux formes de parole :
- Fides : C'est une parole fondatrice qui se donne. Ex : « tu es ma femme ».
- Envers de fides : C'est une parole menteuse qui ouvre la possibilité du leurre et de la feinte.
De S à A se trouve la parole vraie que doit révéler la psychanalyse. Mais il s'y trouve également une dérivation créée par l'imaginaire qui résiste à ce que cette parole bien-dite puisse émerger. (p.181)
Grand Autre : est reconnu mais pas connu. Une parole adressée au grand Autre va dans le sens du fides. Le grand Autre c'est l'autre en tant qu'il n'est pas un reflet (contrairement à a – a') (p.68) L'Autre relève du symbolique. Ca va au delà de ce que l'on voit, ça va au-delà de l'imaginaire.
Discours : se passe dans le temps = dimension diachronique. Le discours fait que c'est toujours discordant, on ne dit jamais tout à fait ce qu'on veut dire (p.176).
Langue : suppose des groupes d'opposition structurés = dimension synchronique, simultanée.
Lacan appelle érotisation du signifiant le moment où le signifiant devient lourd de sens et de poids pour la personne.
Dans la parole :
- Plan symbolique représenté par le signifiant.
- Plan imaginaire représenté par la signification.
- Plan réel représenté par le discours (cf.dimension diachronique).
Le signifiant ne signifie rien. « C'est l'accusé de réception qui est l'essentiel de la communication en tant qu'elle est, non pas significative, mais signifiante ». p.213 C'est pour cela que le signifiant ne relève pas de la signification. C'est pour cela qu'il peut donner plein de significations différentes.
- Le signifiant : rapport d'opposition (comme le symbolique).
- La signification : elle peut joindre en elle même deux extrêmes.
Il faut distinguer signifiance et signification. Le signifiant est autonome car des lois lui sont propres (p.223) ; celles-ci ne dépendent pas de la subjectivité d'un tel ou d'un autre ? Le signifiant est indépendant du signifié.
Lorsque le sujet intègre le signifiant à son être, cela donne le surmoi (p.214).
La structure : C'est un ensemble cohérent et complémentaire. Ce n'est pas un ensemble totalitaire.
Le déjà-vu : Lacan explique le déjà-vu en disant que le sujet vit une situation avec une pleine signification symbolique qui renvoie à une autre situation symbolique qui a été oubliée.
La différence des sexes :
La dissymétrie des sexes se situe principalement sur le plan symbolique. La symbolisation du sexe féminin n'a pas le même accès que la symbolisation du sexe masculin. Lacan explique cela par le fait que la symbolisation du sexe féminin part d'une absence. L'imaginaire ne se nourrit que d'une absence là où il y a un symbole de taille chez l'homme. Du côté du féminin, le symbolique manque de matériel et il lui en faut un. Le trou du sexe féminin fait qu'il serait moins désirable que le sexe masculin qui est provoquant. (p.199)
Lacan ajoute que le chemin de la réalisation symbolique de la femme est du coup plus compliqué. (p.200). Par conséquent, cela force la femme à s'identifier au père. La prévalence de la forme imaginaire du phallus est l'élément symbolique central du complexe d'Oedipe (p.198). La femme serait obligé de prendre comme base de son identification l'image du sexe opposé.
Il y a une dissymétrie au niveau des signifiants et dans les deux cas cela fera passer la femme comme l'homme par la castration.
C'est en se situant sur le plan symbolique que la fonction de la femme ou de l'homme est assumée (et pas dans l'imaginaire). C'est grâce au signifiant qu'on reconnaît être ceci ou cela. « Le symbolique donne une forme dans laquelle s'insère le sujet au niveau de son être » p.202. Le plan symbolique permet d'expliquer et de se situer, et c'est ce qui le rend fondamental.
Ex : L'identification de Dora à Monsieur K. est une tentative imaginaire de comprendre ce que c'est qu'être une femme. Le pénis est l'instrument imaginaire par lequel elle tente d'appréhender le fait d'être une femme. (p.200)
En revanche, le signifiant n'explique pas pourquoi nous sommes vivants et pourquoi chaque être vivant meurt (questions de la naissance et de la mort). (p.202 et p.215).
Le complexe d'Oedipe :
Le complexe d'Oedipe a ceci d'aliénant qu'il fait désirer l'objet qui appartient déjà à quelqu'un.
C'est par la voie agressive (imaginaire) que s'ouvre le symbolique. Il y a un conflit imaginaire avec l'autre et cela ouvre la voie au symbolique (p.241).